Ce document est un extrait du livre « HISTOIRE ET HISTOIRES de SAINTE-MAXIME » de Jean-Daniel de GERMOND
Domaine de La NARTELLE
La “Nartelle” ! A ce sujet, rapidement un survol sur l’origine toponymique de ce mot qui est une déformation du nom d’un buisson qui pousse très volontiers dans cette région le MYRTE, en provençal “NERTO”, en italien “MIRTELLA”, vous voyez la transformation.
Le MYRTE est un buisson ou arbrisseau qui était consacré à Vénus, et ses fleurs sont symboles d’Amour. Les vainqueurs des jeux du stade étaient couronnés de Myrtes tandis que les héros guerriers avaient une couronne de lauriers, d’où le nom du “laurier-sauce” : LAURIER DES CESARS … (Laurus Nobilis) … de plus, c’est également le Myrte de la Bible. Les fleurs, les feuilles et l’écorce produisent une huile : “l’eau d’Ange” utilisée en parfumerie ; et enfin, une pauvre Nymphe qui répondait au doux nom de Daphné, pourchassée par Apollon, ne put sauver sa vertu qu’en se transformant en buisson de Myrte … pour se soustraire aux ardeurs du fils de Zeus
Nos buissons de Myrtes (Myrtus Communis) se plaisent dans nos collines, mais néanmoins, craignent le gel. En 1956 et 1985, les garrigues furent ponctuées de buissons marrons, seules plantes. “Indigènes” ayant souffert du gel, le climat de Corse ou d’Afrique du Nord leur est beaucoup plus favorable.
Au tout début de notre siècle, en 1907, les héritiers PERRIN, Justin et sa sœur Sénaide, épouse AICARDY, vendent ensemble une partie de leur propriété à un certain Ernst- Emil-Friedrich SCHM!DT habitant à Leipzig.
Rapidement cet allemand fait bâtir un mur clôturant l’ensemble de la propriété, laquelle soit-dit en passant, avait une superficie de quelques cent hectares, quant au mur et ses ramifications, il représentait développé une longueur totale de quatre kilomètres et demi !! D’une hauteur de o,8o mètres au-dessus du sol, 0,35 mètres de large, il était surmonté d’un grillage à mailles très fines (25 mm à triple torsion), le tout monté sur de solides fers à ‘T’ et un majuscule “I.P.N.’ à chaque angle …. Ce grillage s’élève de 1,30 mètre au-dessus du mur et sur cette hauteur dix rangs de fil de fer barbelé s’étageaient. Ces détails techniques peuvent paraître inutiles, mais ils n’avaient pas échappé aux Maximois, et les bruits couraient … dépenser tant d’argent pour un morceau de colline …
De plus, ce mur franchissait les ruisseaux, le cas avait été prévu et fort soigneusement … des portes en bronze ! Montées sur des pivots, basculaient pour laisser passer l’eau, puis se refermaient hermétiquement …. Ajoutez qu’à l’entrée du domaine, on avait placé un fabuleux portail (nous sommes en 1907 à SAINTE MAXIME !!) dont les deux piliers principaux étaient couronnés de grands oiseaux en bronze …. Cela devint “Le Domaine de l’Allemand” dont le portail était défendu par “Les deux Aigles de l’Allemand”. Il n’en fallait pas plus pour que les esprits s’échauffent et que les conversations aillent leur train … en particulier devant le comptoir ou sur la terrasse du “France” (entendez le café de France de la place Victor Hugo).
“Vous vous rendez compte cette propriété, l’entrepreneur qui a fait le mur a dit à mon cousin qu’avec ce mur on aurait pu construire plus de QUINZE maisons … que cela représentait plus de DEUX MILLE DEUX CENTS mètres cubes de maçonnerie …” et un autre de rajouter : “et que le grillage, “Il est tant fin” qu’une souris “pleine” y passerait pas …, qu’est-ce qu’ils ont donc tant à cacher ces allemands ?” ; un autre de renchérir :’Pour moi on ne m’enlèvera pas de l’idée qu’il se passe là-dedans des choses …”, et chacun de broder sur l’un ou l’autre thème … jusqu’à ce que le 14 février 5952, Friedrich SCHMIDT, vend cette propriété à un autre allemand, Wilhem KOHLMETZ, architecte de Berlin. Cette fois-ci, les rumeurs s’amplifièrent, disent que c’était les mêmes mais qui avaient changé de nom … d’autres prétendant que le nouvel acquéreur était en fait le secrétaire secret et le prête-nom du KRONPRINZ (fils aîné de l’empereur d’Allemagne GUILLAUME II, dit “Le Kaiser”). Nous sommes en 1912 lequel fils de l’empereur GUILLAUME avait en fait pour nom exact Friedrich – Wilhem – Victor – August – Ernst von HOHENZOLLERN, dit “Le KRONPRINZ”
Tous ces noms étrangers, l’importance des travaux de clôture, les “aigles” à la porte, tout cela fit qu’à SAINTE MAXIME l’on commençait à sérieusement “fantasmer” et cela devint du délire après les évènements de Sarajevo.
Quelques jours seulement après la déclaration de guerre, une discussion mémorable eut lieu sur la terrasse du “France” où une solide équipe, à la suite de longs palabres, décida d’aller “capturer l’allemand de la Nartelle” et il est de mémoire d’anciens Maximois que cette décision ne fut prise qu’après une journée assez chargée en discussions, au cours desquelles chacun avait pu librement donner son point de vue …. On parla beaucoup et comme il est notoire qu’il n’est pas sain de “bâtir à sec” (parler sans boire), on le fit TRES sainement … voilà … voilà …. Ils partirent donc du “France” et quand les hommes arrivèrent devant la “Bastide de l’allemand”, le monde était à eux … et on allait voir ce qu’on allait voir … oui, mais il faisait nuit … ils se tapirent dans les fourrés devant la maison avant “l’assaut final et général” …
Et c’est à ce moment précis qu’une porte claqua (on insiste en racontant … qu’elle claqua TRES FORT !!). Un conciliabule au sommet s’organisa aussitôt et, très vite, la conclusion des débats s’orienta vers un repli stratégique sur des positions préparées à l’avance …. La nuit on peut se tirer les uns sur les autres ! les méprises … on ne sait plus qui avança cet argument, mais il fut entendu par tous … et ils convinrent de se retrouver le lendemain matin sur place. Cette proposition permettait de quitter les lieux dans la dignité et ne souleva aucun murmure !
Le lendemain matin, les mêmes, dès potron-minet, dans les mêmes fourrés, devant la même bastide … “Oh ! As vist quaucarèn … ? Li a quaucun aqui dedins ? Noun, ai rèn vist Sabi pas ounte a passa .. !!” La porte continuait à battre de temps en temps … Plus personne dans la maison. Il fallait se rendre à l’évidence, « l’allemand » s’était enfui dans la crainte de leur assaut !! On croit que c’est T’Choix qui avança cette constatation, laquelle recueillit l’unanimité des suffrages … et c’est dans cet état d’esprit qu’ils retournèrent au village pour reprendre leurs assises à la terrasse du ‘France, discutant ferme de la chose, pas à sec naturellement, ce n’est pas sain
Ah ! vous savez déjà … oui, et alors ? ce n’est pas une raison. Oh ! Titin, remets-nous une tournée …
La guerre de 14/18 terminée, le Gouvernement français mit sous séquestre la propriété de l’allemand, puis l’administration des Domaines fut chargée de vendre ce bien aux enchères. Le 15 décembre 1920, il fut adjugé à Monsieur Henri ROY qui le revendit à Monsieur Jean-Baptiste MOREAU, lequel le céda à Monsieur Georges BERET qui conserva ce bien deux ans, puis s’en défit au profit de Monsieur Yvan MISSON.
Nous sommes en 1925, Monsieur Y. MISSON, entre autres activités, était Consul de Belgique dans les pays du Proche Orient et cela eut une certaine importance par la suite, non pas la proximité de l’orient, mais le fait d’être Consul de Belgique.
Une retraite en un lieu tranquille avait tenté Monsieur MISSON et, après avoir hésité entre la Nartelle et une autre propriété vers Saint Raphaël, il choisit LA NARTELLE et se lança dans l’exploitation agricole du domaine. Pour commencer, on lui conseilla, avant toutes choses, de faire entièrement débroussailler sa propriété. Ce conseil fut renforcé par un incendie qui survint l’été suivant et qui ne passa pas très loin de ses terres pour s’arrêter à la mer vers la GARONNETTE, comme l’ont toujours fait les incendies vraiment décidés et aidés par le Mistral. Le débroussaillage et l’élagage des chênes-lièges des cent et quelques hectares du domaine commencèrent à modérer les élans ruraux de Monsieur MISSON … d’autant plus qu’il avait entrepris l’exploitation de trois vignes situées dans la propriété …. Les vignes ne sont productives que quelques années après leur plantation, cinq à six ans …. Entre temps, Monsieur MISSON rencontre un autre Consul de Belgique à Nice et Monaco, Monsieur Willy LAMOT. La rencontre et les entretiens des deux hommes aboutirent à l’apport par Monsieur MISSON de ses terres dans une Société fondée par Monsieur LAMOT : la S.T.F.C. (Société Terrienne de France et des Colonies) qui se chargera de la mise en valeur des terrains sous la forme immobilière. Cet accord fut concrétisé par un acte en date du 4 juin 5927. Les travaux commencèrent, l’allée de palmiers plantée par le premier acquéreur Friedrich SCHMIDT et le portail monumental durent être modifiés, les palmiers de droite en entrant furent déplacés de quelques mètres pour répondre aux exigences de la circulation grandissante et aux normes d’un urbanisme naissant, mais non moins impératif
Bref, le domaine pensé à l’origine comme une propriété privée, commença sa mutation en un parc résidentiel collectif …. On s’aperçut alors que les Aigles de l’allemand” étaient en fait de gentilles mouettes en bronze et que le portail en fer forgé, comportant des entrelacs fort gracieux, était orné de pommes de pains en far forgé … un chef d’œuvre du genre !! Le projet de la S.T.F.C. fut approuvé par un premier arrêté préfectoral en date du 24 décembre 1927, puis conforté et modifié beaucoup plus tard en mai 1960 et mai 1962. Mais n’anticipons pas … Les travaux de viabilité commencèrent donc- Quatre villas, situées sur le côté gauche en montant, furent construites proposées à la vente et vendues. Le domaine commençait à être habité … et c’est vers les années 1932 que Monsieur et Madame Jehan LALEY, en vacances dans la région, jeunes mariés, faisant une promenade dans la colline et explorant le haut du domaine, accessible seulement par un petit chemin de terre caillouteux, en amont des palmiers, eurent l’impression d’arriver ‘au bout du monde, en atteignant ce qui est maintenant “l’Hermitage”, magnifique bastide avec sa treille séculaire et jouissant d’une vue incomparable. L’endroit fit sur eux un effet magique et Monsieur LALEY ne pouvait se détacher de ces lieux bénis des Dieux …, mais en faisant le tour de la “Bastide” ils se rendirent compte de l’ampleur des travaux de rénovation … curieusement la façade était intacte, le restant détoituré et en partie écroulé. Bref, leur état de jeunes mariés leur imposait de se consacrer à d’autres investissements et c’est avec beaucoup de regrets qu’ils redescendirent vers la villa du père de Madame LALEY “Laleytou” avec dans les yeux des rêves de bastide restaurée.
Un beau jour de printemps 1938, la Comtesse de CHEVILLY, née NESCULOWSKA, russe blanche (cette précision de couleur, absolument superflue pour les lecteurs de notre génération, c’est à dire “assez jeunes” peut laisser quelques doutes dans l’esprit des “beaucoup plus jeunes” …. Il s’agit de couleur politique russe blanc, ancien régime, celui des Tzars et russe rouge, Bolchevick, communiste … un voyage intersidéral et plusieurs années-lumière les séparent …) se promenant en ces lieux, comme tout slave, et RRRusse blanc de surcroît, n’avait manqué d’emmener avec elle la nostalgie de sa patrie bien aimée et parvient par le même chemin que celui parcouru par le couple LALEY quelques six ans auparavant … devant la façade de LA bastide, découvre le même cadre quelque peu plus envahi par les buissons et ronces, mais d’où irradiait le même charme, la même force tellurique, inexplicable, mais existante … mais … en plus, oh ! stupeur, chose incroyable, tout en haut du mur flottait le drapeau de la Russie des ROMANOY … le drapeau du TZAR !! Explication : derrière la façade campaient des russes blancs venus se chauffer au soleil de Provence ne pouvant le faire en Crimée ils avaient pris possession des lieux … “quand vodka abondante GRRRRande RRRRussie paRRRRtout
Madame de CHEVILLY, séduite par le cadre, la rencontre moule de ce drapeau vénéré et chéri, la confirmation par son pendule de la possibilité de réaliser ce coup de cœur, acheta immédiatement la ruine et les terres attenantes, fit faire les travaux de rénovation par l’Architecte DARDE et s’y installa.
L’intervention du -pendule demande quelques explications cette personne ne faisait rien d’important sans interroger son pendule qu’elle manipulait très habilement. C’est lui qui par la suite lui indiquera les endroits où faire forer pour trouver de l’eau, planter des arbres et donnera son accord sur l’emplacement de sa chambre …
Monsieur et Madame LALEY continuaient de venir chez leurs parents dans le bas du domaine, près de la mer, ils surent naturellement que LEUR” bastide avait été achetée par le Comte de CHEVILLY (Ingénieur qui avait été chargé de l’étude et de la réalisation du chemin de fer entre Moscou et Saint Petersbourg, maintenant Leningrad ; c’est d’ailleurs là-bas qu’il avait, on s’en doute, fait la connaissance de Mademoiselle NESCULOWSKA …. Le couple LALEY rencontra les nouveaux propriétaires ; ils se lièrent d’amitié et la Comtesse de CHEVILLY, émue, par leur attachement pour ces lieux, les assura que; si un jour elle se séparait de sa propriété, ils en seraient les premiers informés … pRRRomis … pRRRomis
Quelques années se passent et … en mai 1944, la Comtesse de CHEVILLY poursuivant ses dialogues avec son pendule, reçoit de ce dernier un avertissement de la plus haute gravité et sans appel : “si vous restez dans I’HERMITAGE, vous allez mourir” fin de message
Le jour même elle contacte Madame LALEY : “si vous voulez I’HERMITAGE, il est à vous, mon pendule … vient de me dire … Affaire conclue, sans délai. Cela se passait en mai 1944. Madame LALEY s’y installe avec son fils Xavier (qui se trouve être mon ami d’enfance, car nous usâmes nos culottes … non pas sur les bancs … mais sur les chaises d’un même cours ; en effet, en cette curieuse époque de la guerre, avec la zone libre, puis totalement occupée, nous fûmes tout une troupe de jeunes de Paris ou du Nord qui dûmes poursuivre nos études sur place ; en fait, ce sont plus exactement les études qui nous poursuivirent et Dieu ce qu’elles couraient vite, quand j’y pense !..). Donc, voilà Madame LALEY et Xavier installés dans L’HERMITAGE, puis le 15 août arrive, c’est le Débarquement. Pour nous, c’est fabuleux, incroyable, mais pour la famille LALEY ce fut l’Apocalypse.
On ne comprend pas très bien la raison qui motiva l’abondance des tirs de marine sur ce secteur de la Côte et particulièrement sur ce vallon de LA NARTELLE, mais le résultat est qu’aux premières lueurs de l’aube du 15 août 1944, Madame LALEY et Xavier furent réveillés par des éclatements d’obus, de plus en plus près de I’HERMITAGE. Sautant prestement hors du lit, ils descendent rapidement vers le jardin pour aller dans l’abri que Xavier avait judicieusement ménagé, mais de nouveaux tirs les font changer de route et se jeter en courant dans le fond du vallon qui se trouve à 50 mètres à l’Est de la Bastide. Des obus tombent encore autour d’eux les faisant se serrer l’un contre l’autre pour se protéger réciproquement puis, l’horreur ! L’obus qui tombe à trois ou quatre mètres d’eux les ensevelit, les anéantit sous le bruit, la fumée, la terre, la douleur …
Grattant de leurs mains l’amas de terre qui les recouvre, ils parviennent à sortir s’aidant mutuellement et remontent jusqu’à la maison qui brûle ; n’écoutant que leur attachement à cette demeure, ils tentent d’éteindre l’incendie, mais se rendent compte seulement alors qu’ils sont grièvement blessés.
Ceci se passe vers sept heures et demie du matin, ils ne furent soignés dans un premier temps par des infirmiers de l’armée. Américaine qu’en fin de matinée, puis emmenés sur la plage de la Nartelle vers 15 heures, pansés à nouveau et embarqués sur un bateau militaire (et non hôpital) vers une destination inconnue …. On les opère une première fois et c’est au retour de la salle d’opération qu’ils apprennent leur destination … Naples !
Les prédictions du pendule de Madame de CHEVILLY S’étaient révélées d’une parfaite exactitude la chambre qu’occupait la Comtesse à l’époque où elle habitait l’Hermitage, présentait côté façade quelques traces d’éclats d’obus, mais l’un d’entre eux avait choisi de passer par la fenêtre et avait explosé DANS la chambre … même si l’on ne “croit pas au pendule’… cela fait froid dans le dos …
Nous n’allons pas relater le périple de Madame LALEY et de son Xavier, d’hôpital américain en hôpital français, d’infirmières adorables en chirurgiens compétents, mais, malgré la gravité de leur état, les toutes nouvelles piqûres de pénicilline firent des miracles (merci Sir FLEMING qui inventa cette substance) et ils se rétablirent …
Or, ironie du sort, après être arrivés à Naples par un voyage totalement “hors règlement”, ils se heurtèrent précisément à ce même règlement qui les empêchait de rentrer, car des instructions, excessivement sévères, limitaient l’utilisation de tout transport maritime ou aérien strictement au personnel militaire. C’était logique … mais pour nos Maximois qui crevaient la vie à une infraction au règlement commise lors de leur voyage “aller” (involontaire à la suite de la décision d’opérer, prise par le chirurgien du bord, répondant à son serment d’Hippocrate) … le retour ne pouvait s’effectuer dans les mêmes conditions : ce n’était plus une question de vie ou de mort. Il ne leur fut même pas possible de faire savoir à leur famille qu’ils étaient saufs ‘ ….
La lutte pour parvenir à ce retour fut longue, mais la ténacité et l’inébranlable foi dans la réussite de ses efforts permirent à Madame LALEY, après être passée de bureau en bureau, inlassablement, d’officiers compréhensifs en militaires indifférents, d’obtenir gain de cause.
Enfin, les derniers jours de septembre Madame LALEY prit avec son fils le chemin du retour, encore une fois à la suite d’un hasard incroyable qui les fit débarquer … sur la plage de SAINTE MAXIME, tous deux en uniformes U.S. (rappelons qu’ils avaient embarqué avec leurs effets de nuit, déchirés, et il est inutile de préciser qu’à la mi-août sur la côte, Morphée nous surprend souvent en tenue assez légère. Xavier, bien qu’en uniforme, avait obtenu une dérogation spéciale le dispensant de saluer …. Ils étaient tous les deux invalides à 75%.
Ils retrouvèrent donc leur cher Hermitage … oui ! Mais dans quel état ! Eventré, massacré, des gens avaient “mis de côté” des choses “pour qu’elles ne s’abiment pas …’ bref, la désolation.
De plus, le père de Madame LALEY, Monsieur BOSMENT frappé par ces coïncidences, souhaitait que l’on ne reconstruisit point l’Hermitage qui avait vu couler le sang de sa fille et de son petit-fils … et quand on sait que le mot ‘souhaiter’ venait d’un Monsieur qui était Directeur Général des Aciéries de Wendel, Maître de Forges Lorrain … cela prenait une force EXECUTOIRE tout à fait nette et sans aucune sorte de discussion.
Mais à force de diplomatie, tant auprès de son père que de l’Administration de la Reconstruction (car ces services, au-delà d’un certain pourcentage de destruction, considéraient les bâtiments comme ‘ruinés” et non reconstructibles) avec de la patience et avec la volonté qu’avait Madame LALEY, c’était bien mal la connaître que supposer son renoncement … l’Hermitage fut reconstruit.
Cette ligne de conduite, nous l’avons encore constatée l’autre jour en allant rendre visite à cette Dame et à Xavier. Ils étaient tous sécateurs dehors, en train de remettre au pas les plantes qui poussent le long de la façade et avaient, semble-t-il, le projet de pénétrer dans les chambres pour y passer l’hiver. Ce sont ces soins constants et cet attachement sans faille qui ont donné à ces lieux, leur âme, et le charme tout à fait particulier et remarquable qui s’en dégage
Charme qui avait certainement dû être reconnu par d’autres habitants il y a quelque 2. 000 ans, car des ruines romaines évidentes, sont amenées au jour chaque fois que la charrue chausse ou déchausse la vigne située à l’Ouest, au gré des saisons, ce qui prouve bien qu’il est des lieux bénis des Dieux même si, quelquefois, de brefs instants, ces mêmes Dieux semblent ne plus protéger ces Thébaides de leurs ailes.

